Sources d’inspiration pour le sceau de Québec

Élu au conseil de la Cité de Québec le 25 avril 1833, Joseph Légaré soumet dans les jours suivants un projet de sceau pour la Corporation municipale, lequel fait l’objet de discussions lors de la séance du 24 mai. Il n’a donc eu que peu de temps pour le préparer et l’on peut présumer qu’il n’a effectué que quelques recherches pour trouver l’inspiration…

Une déesse assise sur un rocher, un fleuve et un bateau, un bouclier, une ruche, une corne d’abondance, autant d’éléments souvent présents sur des pièces du XVIIIe ou du XIXe siècle comme le montrent ces différentes pièces ou ce sceau…

          Paix d’Utrecht (1713)                       Paix d’Aix-la-Chapelle (1749)                     2 pence anglais (1797)

          1 penny anglais (1812)             Sceau, Caroline-du-Nord (1836-1883)             Industria Mexicana

Mais c’est le 5 shillings anglais de 1804 qui semble la source d’inspiration la plus probable.

Numismate reconnu à Québec et passionné d’histoire, Jean-Pierre Paré écrit dans le bulletin de la Société numismatique de Québec (en février 1993) :

« L’artiste Légaré s’est-il inspiré du dollar anglais de 1804 pour exécuter le dessin du sceau de la ville de Québec?

Je serais porté à le croire, mais l’artiste a bien pris soin de modifier le dessin et de lui apporter une dimension locale où on aperçoit un castor et un lion sur un bouclier tenant une clef désignant Québec comme la clef du pays. »

Ce que confirme René Vincent, l’ancien archiviste de Québec, lequel donna d’ailleurs un exemplaire de cette pièce à la ville ; et celle-ci fut longtemps exposée au salon de la mairie.

La comparaison entre la pièce anglaise de 1 dollar – ou 5 shillings – de 1804 et l’emblème (dans sa version adoptée en 1834, ou tel qu’apparaissant sur la carte de Hawkins de 1835) tend à le confirmer.

 

               5 shilling / 1 dollar (1804)                                                     Carte de Hawkins (1835)

On peut identifier plusieurs ressemblances : une déesse assise et tendant le bras, un bouclier…… Et quelques différences dont les principales sont le Cap Diamant, le Saint-Laurent, le castor et l’écu apparaissant sur le bouclier.

Le Cap Diamant et le fleuve font partie des attraits et particularités de Québec, que nul ne pouvait ignorer!

Hawkins – Picture of Quebec (1834)

Le castor, au pied de la déesse, avait déjà été suggéré par Frontenac en 1673 ; il apparaissait en outre au pied de la France victorieuse sur la médaille Kebeca Liberata émise par Louis XIV en souvenir de la défaite de Phipps à Québec en octobre 1690[2].

Armoiries du diocèse anglican de Québec

Quant au motif présent sur le bouclier — un lion tenant une clef —, il est fort similaire au dessin apparaissant dans la partie inférieure des armes données, en 1793, par le roi Georges III au Diocèse anglican de Québec.

Héraldiste reconnu, Daniel Cogné explique :

« Le choix fait en 1793 du lion britannique tenant une clef comme symbole de la Grande-Bretagne tenant la clef de Québec peut s’expliquer par le fait évident qu’en 1793, après la perte des colonies américaines, la ville de Québec est devenue la porte principale de l’Amérique britannique. Ce choix correspond à la réalité géopolitique de l’époque en Amérique du Nord. Les héraldistes du College of Arms de Londres qui ont concédé ces armoiries ont tenu compte de cette réalité. C’était tellement évident que Légaré a repris cette emblématique pour le sceau de Québec. »