Le dessin du sceau

Les élections municipales de la Cité de Québec ont lieu à la fin avril 1833. Le 24 mai, soit moins d’un mois après, le Conseil choisit son nouveau sceau :

« Résolu que le Sceau de la Corporation tel que présenté par M. Légaré soit adopté comme le Sceau de la Corporation. Le dit Sceau représentant 1° Le cap aux Diamants et la Basse ville 2° La Déesse Strénua [1], Déesse de l’activité & du travail montrant d’une main le Fleuve St-Laurent et de l’autre tenant quelques épis de bled 3° Une ruche d’abeille et un Castor, enfin un Lion tenant une clef, désignant Québec comme la Clef du Canada. […] »

Journal des procédés du Conseil de ville de la Cité de Québec,
pour la période comprise entre le 1er mai 1833 et le 8 octobre 1834 inclusivement
.
Rédigé par Jean Langevin, secrétaire. Séance du 24 mai 1833, résolution 136.

Joseph Légaré, auteur du dessin, mais aussi nouvel élu, n’a donc eu que fort peu pour le préparer. Et il faudra un an pour que ce sceau soit fabriqué : il apparaît officiellement pour la première fois le 23 mai 1834 sur le Journal des procédés du Conseil de ville de la Cité de Québec.

On comprendra facilement que le dessin initial de Joseph Légaré a pu être modifié avant de devenir le sceau officiel. Le  projet présenté, en mai 1833, demeurant introuvable, il est impossible d’identifier visuellement les changements qui y ont été apportés.

On peut toutefois comparer la description du sceau, très précise, qui est faite dans la résolution du 24 mai 1833 à l’empreinte qui apparaît à côté de la résolution du 23 mai 1834, ainsi qu’à la description, elle aussi fort détaillée, qu’en donne Alfred Hawkins la même année :

« The Corporation seal represents a female figure, in a sitting position, leaning upon a shield, on which is a lion passant, holding a Key. Above is a cornucopia, and on the side a bee-hive. At her feet is seen a beaver. The figure points to the river, where there is a ship at anchor. In the back ground is a representation of Cape Diamond. The following are the legends on the seal, above — Natura fortis, industria crescit: — below — Condita Quebecense, A. D. MDCVIII.  Civitatis Regimine Donata, A. D. MDCCCXXXIII. »

Hawkins, Alfred. Hawkins’s picture of Quebec; with historical recollections.
Quebec, 1834
.

Il faut noter que c’est le même Alfred Hawkins qui, l’année suivante, a dessiné ce sceau sur un Plan de la Cité de Québec.

Si l’on tient pour acquis que la première résolution rapporte, de façon fidèle et complète, la teneur du dessin présenté par Joseph Légaré, l’on peut identifier quatre différences :

  • la basse ville a disparu…
  • mais le fleuve s’est orné d’un bateau;
  • les épis de blé ont été placés dans une corne d’abondance;
  • une devise Natura fortis, industria crescit[2] et un texte viendraient compléter le tout.

Il est raisonnable de penser que la maxime n’apparaissait pas dans le dessin initial de 1833 et que son addition s’est faite en même temps que les autres ajouts, le tout en concordance. Ce que l’on pourrait interpréter de la façon suivante : La maxime met l’accent sur le développement de Québec, dû principalement à sa position sur le fleuve, et bien évidemment au commerce par bateau que celui-ci permettait, assurant à la ville sa prospérité, illustrée par la corne d’abondance.

Pour faire la description de ce sceau, dans sa version officielle, on peut se référer à l’historien Pierre Georges Roy.

« Les armes de la cité de Québec peuvent se décrire ainsi : Strenna[3], déesse de l’activité et du travail, montre d’une main le fleuve Saint-Laurent et de l’autre tient quelques épis de blé. La déesse est appuyée sur un bouclier sur lequel est fixé un lion passant, qui tient une clef ce qui veut dire, probablement, que Québec est la clef du Canada. Au-dessus est un carmicopia[4] et sur le côté une ruche d’abeilles. Aux pieds de la déesse, on voit un castor. La déesse regarde le fleuve sur lequel se trouve un navire à voiles à l’ancre. Dans le lointain se dessine le Cap Diamant. Le Cap Diamant est toujours là avec sa beauté sauvage, mais le navire à voiles, hélas! est disparu du fleuve, emportant avec lui la prospérité de la capitale. Les armes de Québec portent la devise : Natura fortis, industria crescit. Tout en bas, on lit Condita Quebecense. A. D. MDCVIII Civitatis Regimine Donata. A. D. MDCCCXXXIII. »

ROY, Pierre-Georges. Les mots qui restent. Québec, 1940.


[1]      « Déesse du travail. Elle agissoit et faisoit agir avec vigueur. Elle avoit un temple à Rome. La Fable ne lui donne point d’attributs. Une ruche a paru être celui qui désigne le mieux l’activité et le travail. Il ne faut pas confondre Strénua avec Strénia, Déesse romaine, qui présidoit aux présens qu’on se faisoit le premier jour de l’année, et qu’on nommoit Stréna, étrennes. »

Genlis, Stéphanie Félicité (comtesse de). Arabesques mythologiques,
ou Les attributs de toutes les divinités de la fable
. Paris. 1810.

[2] Que l’on pourrait traduire par « Forte de sa nature, elle se développe par le travail. » ou « Fortifiée par la nature, elle s’accroît par le travail ».

[3] Strénua…

[4] Ou plutôt cornucopia. Terme latin signifiant corne d’abondance et qui symbolise la fécondité.